Les évêques de France viennent de publier « Déconstruire les mythes fondateurs de l’antijudaïsme chrétien« . Je n’ai pas eu le temps de le lire mais voici quelques repères issus des documents précédents.

C’est Jean-Paul II qui a appelé les Juifs « nos frères aînés dans la foi ». Il a beaucoup œuvré (comme Jean XXIII et Paul VI avant lui, Benoît XVI et François après) à une révision du discours chrétien sur les Juifs. En fait, tout a commencé par une prise de conscience : comment la Shoah a-t-elle été possible dans une Europe façonnée par le christianisme ? Même si le régime nazi était païen, il faut reconnaître que la « solution finale » n’a pas suscité le rejet qu’elle aurait dû chez les chrétiens. L’historien Jules Isaac a parlé du mépris des juifs par les chrétiens pendant des siècles. Le concile Vatican II, dans la déclaration Nostra Aetate, recommande donc au contraire la connaissance et l’estime mutuelles.

La qualification de « peuple déicide » a beau avoir été rejetée depuis le concile de Trente au XVIe s, elle a traîné longtemps dans les mentalités. Or non seulement il est absurde de reprocher aux Juifs d’aujourd’hui la condamnation de Jésus, mais il faut aussi se rappeler que tous les juifs d’alors n’étaient pas d’accord, puisque les premiers chrétiens étaient justement juifs. Et Marie, et Jésus lui-même ! Qui a dit sur la croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Plus subtile est l’idée que l’Église, étant le nouveau Peuple de Dieu, bénéficiant de la nouvelle Alliance, monopolise Dieu ; l’ancienne Alliance de Moïse est devenue caduque, Israël est écartée au profit de l’Église (comme Jacob qui achète à Esaü son droit d’aînesse). On trouve ainsi des représentations de l’Église en femme couronnée, avec un sceptre, face à la Synagogue en femme aveugle et en guenilles, dont la couronne est à terre et le sceptre cassé (cf façade de Notre-Dame de Paris). Saint Paul a des expressions similaires dans sa lettre aux Galates ; mais il est alors en pleine polémique et se laisse emporter ! Dans la lettre aux Romains, plus réfléchie, se demandant si Dieu a rejeté Israël, il dit au contraire : « Certes non ! Car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance. » (Rm 11,29) Et il invite les chrétiens d’origine païenne à respecter les juifs, car ceux-ci sont comme l’olivier sur lequel le christianisme a été greffé (Rm 11,16).

Il ne s’agit donc pas seulement de respecter les juifs, ni de valoriser la racine juive du christianisme (comme si les juifs étaient simplement les témoins d’un monde ancien), mais bien d’admettre que les juifs d’aujourd’hui sont toujours aimés de Dieu. La Nouvelle Alliance n’efface pas l’ancienne, elle l’ouvre et la perfectionne : on pourrait parler de « première » Alliance plutôt que de « l’ancienne ». L’Esprit est donné en plénitude à l’Église mais il n’abandonne pas la Synagogue…

Et l’État d’Israël ? Le Saint-Siège l’a reconnu en 1993 ; en demandant le respect des non-juifs présents en Israël. Mais faisons attention à ne pas mélanger le religieux et le politique et distinguons Israéliens / Juifs. Les juifs de France sont français et n’ont rien à voir avec la politique menée par le gouvernement israélien.

Père Nicolas